En fin de semaine dernière, le Parlement libyen a adopté à 164 voix contre 4 la loi qui prévoit d’exclure les cadres ayant travaillé sous Mouammar Kadhafi de la fonction publique et de la politique pour une dizaine d’années. Le vote, qui cède aux exigences des miliciens armés, envoie un dangereux message sur l’influence qu’ils continuent à avoir sur le fonctionnement de l’Etat.
La bataille était engagée entre les groupes armés et le gouvernement. Depuis plusieurs jours, d’anciens révolutionnaires libyens équipés de canons antiaériens et de mitrailleuses lourdes bloquaient les accès aux ministères des Affaires étrangères et de la Justice. Ils agissaient ainsi pour appuyer leur exigence d’une exclusion des cadres sous le régime Kadhafi, craignant qu’ils ne facilitent un retour de ses fidèles. Plus réaliste, le gouvernement s’y opposait, conscient du manque de compétences dans le pays alors qu’elles sont pourtant indispensables pour remettre le pays sur les rails. Le bras de fer se termine donc par l’échec du gouvernement et des modérés.
En plus de la débâcle du gouvernement, la principale leçon de cet épisode est que les autorités libyennes sont toujours impuissantes face aux anciens rebelles. Ceux sont encore 18 000 environ à ne pas avoir accepté de rendre les armes et d’intégrer la nouvelle armée que le gouvernement tente de mettre sur pied. Les Frères musulmans pourraient bien tenter de tirer avantage de la situation. La Libye est le seul pays du Printemps arabe où leur parti n’a pas remporté les élections législatives. Après le vote du Parlement, une partie des miliciens proches de leur mouvement a poursuivi le siège des ministères, réclamant cette fois-ci la démission du Premier ministre et de son gouvernement.