Le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a fait une déclaration hautement symbolique et très inattendue, en présentant dans un discours prononcé mercredi 23 avril, les condoléances de la Turquie aux descendants des victimes du génocide arménien de 1915. Jusqu’à présent, Ankara s’est toujours refusé de parler de génocide. Le sujet est sensible dans le pays et jamais le chef du gouvernement turc ne s’y était exprimé aussi ouvertement. Pourquoi donc ce brusque pas en avant ? Selon Didier Billion, directeur adjoint de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et spécialiste de la Turquie, ces propos de Tayyip Erdogan interviennent à point nommé.
D’abord, son discours est prononcé le 23 avril, veille de la journée commémorative du génocide arménien. Ensuite, l’année 2015 marquera le centenaire de cette tragédie humaine. Les autorités politiques, sachant pertinemment que la Turquie n’échappera pas à des pressions extérieures pour reconnaître le génocide, veulent prendre de l’avance et anticiper celles-ci dans une certaine mesure.
Enfin, sur le plan politique, le symbole de ce discours est fort. Même si le mot « génocide » n’est pas prononcé et ne le sera certainement pas avant longtemps, on dénote une évolution lente, mais certaine, dans les relations turco-arméniennes. Des protocoles d’accord signés, il y a quatre ans entre les deux pays, prévoyaient la réouverture des frontières et la reprise de leurs relations diplomatiques.
Aujourd’hui, les choses évoluent positivement. Même l’opinion publique turque est de moins en moins radicale sur ce qui s’est passé en Arménie durant la première guerre mondiale. Cela permettrait à des milliers d’Arméniens, de se saisir de leur histoire et d’en parler de plus en plus librement.